Par Elodie Cuzin (Journaliste) 16H01 30/01/2008
(De Madrid) Haro, au nord de l’Espagne, s’était préparée à l’évènement à coups de rafraîchissements de façades et sans lésiner sur les barrières de sécurité. Mais le procès qui devait placer face à face, mercredi matin, le conducteur qui avait renversé un adolescent, décédé sur le coup en 2004, et les parents de la victime, à qui il réclamait 20000 euros pour réparer son véhicule, n’a finalement pas eu lieu.
Dès l’ouverture de la séance, l’homme a fait savoir par son avocat qu’il suspendait les poursuites. Expliquant qu’il se sentait harcelé par les médias, Tomas Delgado Bartolomé a décidé de ne pas se présenter au tribunal. Dehors, autour de 200 sympathisants ont accueilli les parents du jeune Enaitz Iriondo entre applaudissements et gestes de solidarité. Des dizaines de journalistes avaient également fait le déplacement.
Le procureur général réexaminera le dossier
Il ne s’agit pas pour autant de la conclusion de cette affaire. Devant l’énorme intérêt de l'opinion public, le procureur général de la région de La Rioja a décidé de réexaminer le dossier pour voir s’il y avait lieu de le rouvrir.
Selon El Pais, il a en en outre demandé à l’une des meilleures équipes de spécialistes en reconstitution d’accidents de la route d’enquêter sur les faits. Preuve de l’ampleur médiatique qu’a pris l’affaire, le procureur s’était entretenu personnellement avec les parents endeuillés lundi, en permettant aux photographes d’immortaliser la rencontre.
Selon le dossier de la Guardia Civil (la gendarmerie espagnole), Eraintz Iriondo, 17 ans à l’époque des faits, roulait à vélo sans casque ni bandes réfléchissantes (obligatoires en Espagne) en cette soirée d’août 2004. Il aurait grillé un stop juste avant d’être percuté par le véhicule de Tomas Delgado Bartolomé, 43 ans, qui roulait à 113km/h sur une route limitée à 90km/h.
Mais selon un rapport d’experts engagés par la famille, le choc se serait produit plusieurs mètres après le stop et la voiture circulait entre 165 et 182 km/h. Mort sur le coup, Enaitz avait été projeté à 18 mètres de hauteur et son corps retrouvé à 107 mètres de l’impact, selon le même rapport.
A l’époque, l’affaire n’avait pas été jugée au pénal car, selon le juge d’instruction, le conducteur n’avait pas commis d’infraction criminelle. Les parents, Antonio et Rosa, s’étaient finalement vus attribuer à l'issue du procès civil 33000 euros d’indemnisation par l’assureur de Delgado, qui reconnaissait ainsi la part de culpabilité de son client dûe à un excès de vitesse.
La vidéo fait scandale sur YouTube
"Nous pensions que cet homme allait déjà assez souffrir à l’idée d’avoir tué un enfant. Nous nous trompions", a expliqué Rosa au quotidien La Vanguardia. En mars 2006, la famille a en effet reçu une lettre les informant de poursuites engagées contre eux par Tomas Delgado: il leur réclamait 14000 euros pour les dommages causés par l’accident à son Audi A8 et 6000 euros pour le coût de location d’un véhicule de remplacement.
L’intérêt du public et des médias pour cette affaire s’est emballé lors des quelques jours précédant le procès, amplement nourri des interventions dignes et peinées des parents mais surtout de la vidéo d’une interview accordée par Tomas Delgado à une télévision locale.
La froideur de son discours, ponctué de sourires en coin, dans laquelle il affirmait "être aussi une victime", a outré de nombreux espagnols. C’est la sœur d’Enaitz Iriondo, qui l’a posté sur le portail de vidéos YouTube.